17. Les stèles
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Le roi Fermat est adulé de ses sujets. Il règne en maître sur un vaste pays. Il ne semble pas y avoir de limite à ses conquêtes, sinon le temps qu’il doit y consacrer loin de sa demeure, et l’organisation que requiert l’administration des pays conquis. Chacun est dirigé par un gouverneur qui lui rend compte personnellement de la situation financière, sociale et militaire. En dernier recours, il lui arrive d’intervenir pour mettre fin à une révolte, sans faire couler le sang. Sa réputation a traversé les océans.
Fermat se tient derrière son bureau, dans une vaste pièce richement décorée. Un valet s’approche de lui, craintif et admiratif, pour l’informer qu’un messager vient d’arriver et demande à lui parler. C’est un émissaire d’un pays lointain, qui est porteur d’un message rédigé par son souverain.
La présence d’un émissaire suscite sa curiosité. S’agit-il d’une demande de vassalisation ou d’une déclaration de guerre ? Ou encore d’une offre de mariage ou d’une coopération marchande de la part d’un roitelet ? Il descend les marches de la tour et se rend dans la salle du trône. Il s’assied et fait entrer le messager.
- Majesté, c’est un honneur de vous rencontrer, le salue-t-il respectueusement
- Soit accueilli en paix, répond le roi simplement.
- Je me nomme Philibert, je viens vous porter un message de la part de ma reine, la reine Fathrage, qui règne sur les terres des Conquars.
Il est tremblant. Le roi l’encourage avec amabilité
- Je suis tout ouï !
Il lit la lettre à haute voix :
« Votre majesté. Je vous adresse mes amitiés respectueuses. Votre réputation d’homme sage et puissant a traversé les frontières et il n’est nul monarque qui puisse répondre mieux que vous à la situation dont nous sommes les témoins involontaires. Il y a maintenant six mois de cela, un violent tremblement de terre a ouvert une falaise immense au coeur de notre royaume, déchirant les champs, les routes et déplaçant le flan des montagnes. Une brèche s’est ouverte, menant à une immense caverne.
Nous avons envoyé une expédition pour l’explorer, à la recherche des métaux précieux que la montagne conservait peut-être en son coeur. Aucun métal ne fut trouvé. L’expédition revint après plusieurs semaines sans la moindre trace d’or, d’argent ou de plomb. Mais le récit des voyageurs fut des plus extraordinaires : une salle gigantesque contenait des plaques de plusieurs dizaines de mètres de haut, rectangulaires et alignées. Manifestement, ils avaient été construits dans une matière inconnue et dans un but précis.
En s’approchant, l’expédition découvrit que ces stèles étaient recouvertes de fresques. Mais, et c’était là le plus étonnant, les fresques se mouvaient. Rapidement, ils comprirent qu’elles narraient des récits. Des scènes gravées pour toujours qui devaient paraître bien majeures à leurs auteurs pour être représentées de la sorte !
Il serait long de décrire chaque scène, la plupart n’étaient pas compréhensibles. Toutefois, la dernière ne faisait aucun doute ; elle représentait les maîtres de chaque royaume actuels, alignés en tenue de guerre, l’arme à la main, attendant l’ennemi du haut d’une falaise. Puis l’ennemi apparaissait et les massacrait par les flammes, ainsi que leurs armées impuissantes.
Peut-être sera-t-il utile de préciser que nous étions, vous et moi, parmi les puissants rois massacrés.
J’ai dû me rendre moi-même dans les grottes pour constater la véracité du récit. Qu’est-ce que cela signifiait ? Était-ce une sorte de prophétie ? Pour en savoir plus, je fis étudier de près les scènes en question. L’une d’entre elle fut identifiée. Il nous fallut longtemps pour retrouver l’ancienne légende : il s’agissait de l’apparition de Garax dans la ville de Goth qui, selon la légende, avait offert aux hommes l’épée magique de la vie, avant que celle-ci ne disparaisse par les méfaits du temps.
Nous en sommes venus à la conclusion que les stèles représentent une histoire dont l’issue est proche. Nous vivons à présent dans la crainte. La terreur s’est installée, dans l’attente d’une apocalypse à venir. Aucun érudit n’est en mesure d’y répondre.
Votre sagesse et votre puissance sont réputées. Je m’incline devant vous pour vous demander votre aide.
Votre dévouée, la reine Fathrage ».
Le roi n’a pas montré la moindre réaction pendant la lecture.
- Merci mon brave. Qu’on lui donne le gîte et le couvert ! », ordonne-t-il.
Le messager ressent une chaleur bienfaisante à ces mots. il s’incline en répondant :
- Merci, votre majesté !
Le roi s’interroge intérieurement. Il doit décider de la réponse à donner.
- Si piège il y a, il est bien grossier mais plutôt amusant. Ressortir cette ancienne légende oubliée pour appuyer son propos est une manœuvre habile. Demander de l’aide flatte mon orgueil et pourrait endormir ma vigilance. Mais, si elle dit vrai, alors le danger est immense.
Quelques jours plus tard, le roi a pris une décision et se dirige vers le pays de la reine Fathrage. Accompagné d’une armée et de sa garde rapprochée, il ne craint aucune attaque surprise. Sa réputation le précède. Rares sont les fous qui oseraient s’en prendre à lui et à son peuple. Le chemin est long jusqu’aux portes de la citadelle.
Il interroge Philibert, qui leur sert de guide, pour en savoir plus sur l’état du royaume et sur les vestiges trouvés au coeur de cette montagne. Il tente de livrer quelques informations complémentaires entendues çà et là.
- Il parait que nos plus grands savants étudient les ruines chaque jour pour y trouver des enseignements sur les bâtisseurs de cette salle. Certains prétendent qu’elle fut creusée il y a plus de mille ans, bien avant la citadelle. Mais la plupart des scènes n’ont aucun sens. On voit ce qu’il s’y passe, mais cela n’explique rien car c’est détaché des autres. Je ne les ai pas vues personnellement, mais l’un des soldats de la reine m’en a décrit plusieurs. La plus ancienne, par exemple, montre un magicien qui monte un chemin, la nuit, en brandissant une épée, puis disparaît. Mais vous verrez par vous-même, Monseigneur.
Plusieurs jours passent avant que les murs de la citadelle ne se présentent devant les voyageurs. Le messager part au-devant pour prévenir la reine de l’arrivée de son invité, alors que l’armée établit un campement à l’écart. Puis le roi, accompagné de sa garde, se dirige vers les lourdes portes.
Il y croise des paysans, puis des soldats qui lui font cortège. Les portes s’ouvrent et la reine Fathrage apparaît devant lui et l’accueille chaleureusement. En le recevant ainsi, il sait que la reine lui fait un honneur rare.
- Roi Fermat, merci de vous être déplacé jusqu’à nous. J’espère que votre voyage ne vous a pas semblé trop long. Nous espérions votre venue. Je vous sais gré de l’amitié que vous faites à notre peuple. Je vous invite à me suivre au château.
Dans la salle du trône, Fermat interroge la reine.
- Nous avons compris le danger que représentent ces gravures, si elles s’avèrent exactes. Je suis venu pour vous aider à combattre la menace qui pourrait apparaitre. Y a-t-il du nouveau depuis le mois dernier ?
La reine répond sans se formaliser du ton employé.
- Roi Fermat, ensemble nous pourrons clarifier la situation, j’en suis persuadée. Hélas nous n’avons rien trouvé de nouveau, je vous propose de nous rendre dans la grotte dès aujourd’hui.
- Ne perdons pas de temps. Mais avant cela, je voudrais m’entretenir avec les savants qui l’ont étudiée. Pouvez-vous organiser une entrevue rapidement ?
- Bien entendu, i...
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